Divorcer à l’étranger lorsqu’on est Français expatrié soulève de nombreuses questions : quel juge saisir ? Quelle loi s’applique ? Le juge français peut-il être compétent ? Et surtout, comment faire reconnaître un divorce prononcé à l’étranger en France ?
Les réponses varient selon que vous vivez dans un autre pays de l’Union européenne ou hors UE, que vous résidez ensemble ou séparément, avec ou sans enfants.
Voici un tour d’horizon complet et à jour des dernières règles européennes et internationales.
1. Quel juge saisir ? La compétence internationale des juridictions
1.1. Si le couple réside dans un autre pays de l’Union européenne (UE)
Depuis le 1er août 2022, le règlement Bruxelles II ter (règlement UE 2019/1111) remplace Bruxelles II bis pour les procédures engagées après cette date.
Il prévoit une série de critères alternatifs permettant de choisir le juge compétent pour statuer sur le divorce, sans hiérarchie entre eux :
-
-
- La résidence habituelle des époux
- La dernière résidence habituelle des époux si l’un d’eux y réside encore
- La résidence habituelle du défendeur
- En cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux
- La résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins un an (ou six mois s’il est ressortissant du pays du tribunal saisi)
-
L’époux demandeur peut donc saisir, à son choix, le juge de l’État membre qui répond à l’un de ces critères, même si plusieurs juridictions sont potentiellement compétentes.
Exemple : deux Français mariés vivant à Berlin peuvent saisir le juge allemand. Si l’un des époux retourne vivre en France, le juge français peut aussi être compétent, sous conditions.
1.2. Si le couple réside dans un pays hors Union européenne (État tiers)
Lorsque le défendeur réside dans un État tiers (hors UE et hors Suisse), la compétence du juge français se détermine par les règles internes françaises :
-
-
- Principe : application des critères de l’article 1070 du Code de procédure civile (ex : résidence familiale, résidence de l’époux avec les enfants, résidence du défendeur, etc.)
- Subsidiairement : privilèges de juridiction fondés sur la nationalité (articles 14 et 15 du Code civil : compétence du juge français si l’un des époux est français)
- Fait dommageable : si les faits motivant le divorce sont localisés en France, la compétence peut aussi être retenue.
-
Exemple : deux Français expatriés à Dubaï peuvent saisir le juge français sur le fondement de leur nationalité, même s’ils ne résident plus en France.
2. Quelle loi sera appliquée au divorce ?
2.1. Dans l’Union européenne : application du règlement Rome III
Depuis le 21 juin 2012, le règlement Rome III (n° 1259/2010) permet aux époux, dans les pays participants, de choisir la loi applicable à leur divorce.
Les lois pouvant être choisies par convention :
-
-
- La loi de l’État de la résidence habituelle des époux
- La loi de l’État de la dernière résidence habituelle des époux si l’un d’eux y réside encore
- La loi de la nationalité de l’un des époux
- La loi de l’État du tribunal saisi.
-
Si aucun choix n’est fait, la loi applicable est déterminée selon une hiérarchie de critères prévue à l’article 8 du règlement, en tenant compte principalement de la résidence habituelle et de la nationalité.
Attention :
-
-
- Le choix doit être fait avant la saisine du tribunal pour être valable en France.
- Il n’est pas possible de choisir une règle non étatique (ex : religieuse).
- Si les époux ont plusieurs nationalités, le règlement renvoie au droit national pour déterminer laquelle prime.
-
2.2. Hors Union européenne : conventions internationales ou bilatérales
Si le pays de résidence n’est pas membre de l’UE, on applique :
-
-
- Les conventions internationales (ex : Convention de La Haye)
- Les conventions bilatérales éventuelles entre la France et ce pays
- À défaut, la loi française de conflit de lois
-
En pratique, il faut vérifier s’il existe une convention entre la France et le pays concerné.
3. Le juge français est-il compétent même si les deux époux vivent à l’étranger ?
Oui, dans plusieurs cas :
-
-
- Si l’un des époux est français, il peut invoquer les privilèges de juridiction des articles 14 et 15 du code civil et saisir le juge français, même en vivant à l’étranger.
- Si le fait dommageable (ex : violences, abandon…) s’est produit en France.
- Si la compétence découle du règlement européen (voir critères ci-dessus pour l’UE).
-
4. Reconnaissance en France d’un divorce obtenu à l’étranger
4.1. Divorce prononcé dans un autre État de l’UE
La reconnaissance est en principe automatique, sauf exceptions limitées (violation des droits de la défense, contrariété à l’ordre public…).
Il n’y a pas de révision au fond possible : la France n’examine pas à nouveau le bien-fondé de la décision étrangère.
Procédure : il faut présenter une expédition du jugement, un certificat de divorce, et, le cas échéant, une traduction.
4.2. Divorce prononcé dans un pays hors Union européenne
La reconnaissance nécessite un contrôle de la régularité internationale de la décision.
Si elle est jugée conforme, elle produit effet en France (ex : possibilité de se remarier, de conclure un PACS, etc.).
Si la décision n’est pas reconnue, il est possible d’intenter une nouvelle procédure en France.
5. Cas particuliers : couple résidant ensemble ou séparément, avec ou sans enfants
5.1. Résidence habituelle commune dans un État membre de l’UE
Le juge de l’État de résidence habituelle commune est compétent en priorité.
5.2. Résidence séparée dans l’UE
-
-
- Si l’un réside encore dans le pays de la dernière résidence commune, le juge de ce pays peut être compétent.
- Si les deux vivent dans des États différents, plusieurs juridictions peuvent être compétentes selon les critères du règlement Bruxelles II ter (voir ci-dessus).
-
5.3. Résidence commune ou séparée hors UE
Les règles françaises de compétence s’appliquent, avec une place importante pour la nationalité française des époux ou des enfants, ou à défaut la localisation du fait dommageable.
5.4. Présence d’enfants mineurs
Les critères de compétence tiennent compte de la résidence des enfants : le juge du lieu où résident habituellement les enfants est souvent compétent, notamment pour les mesures concernant l’autorité parentale ou la pension alimentaire.
Conclusion
Le divorce international des expatriés français est encadré par des textes européens récents (Rome III, Bruxelles II ter), des conventions internationales et le droit interne.
Il convient d’examiner avec soin la situation (résidence, nationalité, enfants, existence de conventions), de choisir la juridiction compétente et, si possible, la loi applicable au divorce.
Enfin, la reconnaissance en France du divorce prononcé à l’étranger dépend du respect de certaines conditions, mais elle est facilitée au sein de l’UE.
En cas de situation complexe, il est conseillé de consulter un professionnel du droit international privé. N’hésitez pas à prendre rendez-vous.
© Photo : IA