Le divorce pour faute demeure une procédure spécifique du droit français, régulièrement interrogée et réformée, mais dont les principes fondamentaux ont été confirmés par les dernières évolutions législatives et jurisprudentielles.

Cet article propose un panorama des conditions d’obtention, des types de fautes retenues, des conséquences (financières et familiales), et des incidences sur les enfants.

1. Définition et principes généraux du divorce pour faute

Le divorce pour faute est régi par les articles 242 à 246 du Code civil.

Selon l’article 242 du Code civil, « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ».

2. Les conditions pour obtenir un divorce pour faute

2.1. L’existence d’une faute

 Deux conditions cumulatives sont exigées :

      • Une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage (respect, fidélité, secours, assistance, contribution aux charges du mariage, etc.) ;
      • Cette violation doit rendre intolérable le maintien de la vie commune.

La gravité de la faute est appréciée par les juges du fond, qui disposent d’une marge d’appréciation importante.

2.2. La preuve de la faute

Le demandeur doit rapporter la preuve des faits invoqués.

Tous modes de preuve sont admis : témoignages, attestations, correspondances, procès-verbaux, rapports de police, etc.

Cependant, les juges exigent des éléments sérieux et concordants.

À noter : le juge peut prononcer le divorce pour faute sans énoncer les griefs dans la décision, à la demande expresse et concordante des deux époux, mais il doit tout de même constater l’existence de faits fautifs au sens de l’article 242 du Code civil.

2.3. Les types de fautes retenues par les juges

Les principales fautes sont :

      • Manquement au devoir de respect : violences physiques, psychologiques ou sexuelles, comportements injurieux, humiliations, atteintes à la dignité du conjoint ou des enfants ;
      • Infidélité : l’adultère est toujours une faute, mais son appréciation est aujourd’hui plus nuancée, tenant compte des circonstances, du contexte de la séparation, et de la longueur de la procédure ;
      • Défaut de secours ou d’assistance : abandon du conjoint malade, refus de contribuer aux charges du mariage ou à l’éducation des enfants ;
      • Absence ou rupture de la cohabitation sans motif légitime ;
      • Comportements déloyaux, déshonorants ou incompatibles avec la vie conjugale.

La jurisprudence demeure souple et apprécie au cas par cas la gravité et le lien de causalité entre la faute et l’intolérabilité de la vie commune.

3. Conséquences du divorce pour faute

3.1. Conséquences juridiques et patrimoniales

      • Attribution des torts : le divorce peut être prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux ou aux torts partagés. La répartition des torts n’a plus d’incidence automatique sur les conséquences patrimoniales depuis les réformes récentes.
      • Prestation compensatoire : le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire à l’époux fautif si l’équité le commande, notamment lorsque le divorce est prononcé à ses torts exclusifs.
      • Dommages et intérêts : l’époux innocent peut obtenir des dommages-intérêts spécifiques en cas de conséquences d’une particulière gravité subies du fait de la dissolution du mariage (C. civ., art. 266), et en vertu du droit commun de la responsabilité délictuelle (C. civ., art. 1240).
      • Donations entre époux : la faute peut justifier la révocation de donations pour ingratitude (C. civ., art. 955).

3.2. Incidences sur les enfants

      • Autorité parentale : la faute n’a pas d’incidence directe sur l’exercice de l’autorité parentale. Seules des circonstances graves (violences, pressions psychologiques, comportements dangereux) peuvent conduire à la limitation ou au retrait de l’autorité parentale ou du droit de visite et d’hébergement.
      • Droit de visite et d’hébergement : la suppression ou la restriction de ces droits n’est possible qu’en présence de motifs graves, appréciés au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant : violences, pressions morales ou psychologiques, vie dissolue, comportements mettant l’enfant en danger, etc.. Si nécessaire, le droit de visite peut être fixé en espace rencontre.
      • Effet indirect de la faute : plus que la faute elle-même, c’est le conflit parental qui peut impacter l’exercice de l’autorité parentale, notamment en matière de résidence alternée ou de droit de visite.

3.3. Conséquences sur le logement et les biens

      • Sort du logement familial : le droit à l’attribution préférentielle du logement peut être sollicité par un époux, même en cas d’abandon provoqué par des violences subies.
      • Liquidation du régime matrimonial : la faute n’influe plus sur la liquidation du régime matrimonial, mais certains comportements (ex : collaboration patrimoniale après séparation) peuvent avoir des conséquences sur la date de dissolution de la communauté.

4. Exemples jurisprudentiels de fautes retenues ou écartées

Fautes généralement retenues

      • Adultère, y compris pendant la grossesse de l’épouse ;
      • Violences physiques ou psychologiques sur le conjoint ou les enfants ;
      • Abandon de famille ou de domicile conjugal sans raison légitime ;
      • Refus de contribuer aux charges du mariage ;
      • Humiliations, injures, propos vexatoires ou diffamatoires ;
      • Manquement grave au devoir de respect ou à la solidarité conjugale.

Fautes parfois écartées ou appréciées au cas par cas

      • L’alcoolisme n’est pas une faute en soi : il doit être démontré qu’il rend intolérable la vie commune et viole les devoirs du mariage.
      • Refus ponctuel de cohabitation si justifié par des fautes graves de l’autre conjoint ;
      • Prise de distance affective ou mésentente non caractérisée.

5. Synthèse : que retenir du divorce pour faute ?

      • La procédure reste d’actualité et répond à des situations de violation grave ou répétée des obligations du mariage ;
      • Le juge apprécie souverainement la gravité des faits et leur impact sur la vie commune ;
      • Les preuves doivent être solides, variées et concordantes ;
      • Les conséquences financières sont moins systématiquement défavorables à l’époux fautif depuis les dernières réformes, mais la prestation compensatoire peut être refusée pour équité et des dommages-intérêts peuvent être octroyés à l’époux innocent ;
      • L’incidence sur les enfants dépend moins de la faute que de l’intérêt supérieur de ceux-ci, les restrictions au droit de visite exigeant des motifs graves.

Pour toute situation individuelle, un accompagnement par un professionnel du droit reste recommandé afin d’apprécier la stratégie la plus adaptée. N’hésitez pas à prendre RDV.

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