La question de la responsabilité des parents séparés lorsque leur enfant commet un dommage a longtemps suscité des débats, tant chez les professionnels que chez les particuliers.

En 2024, la Cour de cassation a opéré un revirement majeur en la matière.

Cet article propose une explication claire et pratique de ce changement, pour permettre à chacun de comprendre ce qui s’applique désormais.

Avant 2024 : une responsabilité concentrée sur le parent chez qui résidait l’enfant

Jusqu’à récemment, la règle était la suivante : après une séparation ou un divorce, seul le parent chez qui la résidence habituelle de l’enfant avait été fixée pouvait être tenu responsable de plein droit pour les dommages causés par l’enfant mineur.

Peu importait que l’autre parent exerçât aussi l’autorité parentale ou bénéficiait d’un droit de visite et d’hébergement.

Cette solution avait été validée par de nombreuses décisions de justice et même par le Conseil constitutionnel, qui y voyait une différence de situation objective entre les parents.

En conséquence, lui seul assume la responsabilité d’un dommage causé par son enfant mineur, quand bien même l’autre parent, bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement, exerce conjointement l’autorité parentale.

Ce système avait pour conséquence pratique qu’en cas de dommage causé par un enfant, seule la mère ou seul le père (selon le domicile de l’enfant) pouvait voir sa responsabilité engagée de plein droit, même si l’enfant avait commis le dommage lors d’une visite chez l’autre parent.

L’autre parent n’était responsable qu’en cas de faute personnelle prouvée.

2024 : un revirement majeur de la Cour de cassation

Dans un arrêt remarqué du 28 juin 2024, la Cour de cassation a changé de cap.

Désormais, lorsque les parents exercent conjointement l’autorité parentale sur leur enfant mineur, ils sont tous deux solidairement responsables des dommages causés par celui-ci — et ce, peu importe le lieu de résidence de l’enfant, sauf si une décision administrative ou judiciaire a confié le mineur à un tiers.

Ce revirement est justifié par l’évolution des pratiques familiales (résidences alternées, accords amiables sur le domicile de l’enfant, etc.), par la volonté de mieux indemniser les victimes, et par le principe de coparentalité.

Désormais, la notion de « cohabitation » est interprétée comme une conséquence de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, et non plus comme une simple question de domicile ou de résidence habituelle de l’enfant.

Ce que cela implique concrètement

Pour les parents séparés :

  • Responsabilité solidaire : Si votre enfant mineur commet un dommage, les deux parents peuvent être recherchés pour indemniser la victime, même si l’enfant ne réside habituellement qu’avec l’un des deux.
  • Exonération limitée : Les parents ne peuvent s’exonérer de cette responsabilité que par la force majeure ou la faute de la victime.
  • Changement de logique : Ce n’est plus la résidence de l’enfant qui détermine la responsabilité, mais bien l’exercice conjoint de l’autorité parentale.

Quelles sont les exceptions ?

  • Si une décision administrative ou judiciaire a confié l’enfant à un tiers (par exemple, à l’aide sociale à l’enfance, à un foyer, ou à un autre membre de la famille), la responsabilité des parents cesse dès lors qu’ils n’exercent plus l’autorité parentale de manière.
  • Si un seul parent exerce l’autorité parentale, seul ce parent pourra être tenu responsable de plein droit.

Pourquoi ce changement ?

La Cour de cassation a voulu :

  • Adapter la règle aux nouvelles réalités familiales (résidences alternées, accords parentaux, etc.).
  • Promouvoir la coparentalité et l’égalité des droits et devoirs parentaux.
  • Améliorer l’indemnisation des victimes, en permettant que les deux parents soient garants de la réparation, ce qui augmente les chances de paiement effectif.

Conclusion

Le revirement de la Cour de cassation en 2024 marque une évolution majeure du droit de la responsabilité parentale après séparation.

Les deux parents exerçant conjointement l’autorité parentale sont désormais tous deux responsables, ce qui vise à mieux protéger les victimes et à affirmer l’égalité parentale, indépendamment du mode de résidence de l’enfant.

Parents séparés, il est donc essentiel de rester vigilants et de s’assurer que votre assurance responsabilité civile est adaptée à cette nouvelle donne.

Source : Ass. plén., n° 22-84.760